Dress Code : ces vêtements qui nous collent à la peau
Exposition tenue à l’Institut supérieur pour l’étude du langage plastique (l’ISELP), Bruxelles, du 8 mai au 25 juillet 2009
La pensée qui se dévêt (extrait )
Sous emprise
Robe emprise est un vêtement-sculpture qui se compose de 576 gants blancs « made in China ». Ces gants vendus dans le monde entier, illustrent l’emprise de la Chine sur l’Occident en matière de textile dans l’économie de marché. L’actualité a montré depuis quelques années le déclin annoncé de cette industrie en Europe, pourtant prospère en Chine grâce à la force ouvrière, cette main d’œuvre au coût si bas. Ici, Lucie Duval s’empare des gants blancs pour les hisser au rang de la Haute Couture. Cousus entre eux à la main, ils deviennent des vêtements sophistiqués, ce qui n’est pas sans évoquer les « petites mains » réalisant les modèles créés par les couturiers. Rappelons au passage que l’ouvrage de la robe a exigé 251 heures de travail.
Entre parure et armure, habitacle et sculpture∗, cette robe majestueuse et imposante devient une tenue d’impératrice blanche qui écrase tout sur son passage. Ne peut-on pas y voir aussi une évocation inversée de la revanche économique du Sud sur le Nord ? Cette robe d’impératrice n’est-elle pas un fantôme occidental dont le triomphe d’antan s’est transformé en poids sombre et nauséeux ? La vidéo Manipulation montre combien la robe est lourde à porter. Un corps enrobé de mains protectrices ou menaçantes ?
Lucie Duval aime donc créer des interrogations en déviant le sens des choses. Elle souligne les parasitages présents entre les mots et images ou objets et les formes d’ironie qui peuvent s’en dégager. L’artiste semble accorder une place privilégiée au travail en tant que valeur. Ses productions artistiques mettent en avant une grande maîtrise technique. Dépourvues de tout débordement émotionnel, elles laissent place au jeu de la pensée rationnelle.
∗ Thomas Mona, « Le désir de robe » in Art Press, hors série n° 18, 1997
Anne-Esther Henao