Mesurant notre rapport toujours provisoire et erratique avec la parole, Lucie Duval œuvre à mettre en scène des tensions relationnelles entre le langage et l’image : la parole des mots écrits et des images captées ou reçues, ou tout simplement celle qui résulte du faire artistique. Il s’agit d’une mise à l’épreuve de l’adéquation entre l’image photographique et le texte écrit. Dans une modalité qui retient l’apport contextuel de la galerie et du musée comme discours latent de la présentation, sont pris en charge leurs procédés —protocole du regard, mise à distance, encadrements normatifs— afin d’en jouer comme d’un jeu de langage. Cette confrontation soulève dans l’œuvre Femmes du sud un questionnement de la représentation de la femme dans l’histoire de l’art : la Vénus, la Joconde, la Victoire qui comme trois grâces en un seul retable, sont confrontées aux archétypes du pouvoir et de puissance que représentent les institutions culturelles et que véhiculent les produits manufacturés de la culture populaire, la mode vestimentaire sportive en l’occurrence (Nike provient probablement de Nikeos qui signifie victoire). Le texte est parfois décomposé jusqu’au mot, réduit à son ultime dénominateur : la lettre, la lettre morte, retournée, coquille résultant d’un oubli et vouée à agacer pour de bon puisque son statut vacillant ne peut-être rétabli que par l’errata. Le mot, couvert de l’infamie de la coquille, est isolé dans son potentiel de production du sens. Il n’appartient à aucun dictionnaire ; rien n’existe pour le répertorier, il est inédit. Instants ratés (une sorte de roman photo exposé récemment chez Circa), laisse d’autre part s’inscrire le mot à même la chair du négatif par la cursive des notes personnelles alors qu’il y est fait état des marges de la création, d’un récit parallèle à la narration proposée. En contrepoint, le relief d’une écriture braille à l’origine perforée à même le négatif se referme sur lui-même et se voit écrasé par sa représentation photographique. Il montre l’intangible, l’illisible, alors qu’il demeure sensible à nos yeux.
Lucie Duval nous propose ici La coquille. Il y a à l’œuvre dans cette photographie, la persistance d’un flottement où sont représentées en déséquilibre les pieds d’un homme noir vu de dos. Sur l’un de ses talons est apposé in diachylon. Indice de fragilité, mais aussi signe sociographique du manquement, ce sparadrap constitue de par sa couleur de chair blanche un marquage supplémentaire de la blessure. Cette trace est redoublée par le mot MAINTENIR inscrit sur la surface transparente qui couvre la photo et lui fait une ombre portée. Elle se manifeste comme agaçante, ennuyeuse et à l’image même de la coquille typographique. Telle une lacune sociale, cette marque se présente comme un blanc, une béance dans le discours de progrès de nos sociétés : il n’existait pas jusqu’à tout récemment de cosmétiques prévus pour les types raciaux autres qu’occidentaux et blancs. Le commentaire qui infiltre le propos de Duval ne se pose pas comme un bon discours, il souligne l’omission-erreur et errance discursive de l’époque dans ses représentations —et il propose des images du monde qui inquiètent et surprennent notre perception en soumettant à la critique les images dont nous pensons qu’elles vont de soi.

Assuring our always temporary and erratic relationship to words, Lucie Duval Works to present the tensions in the Relationship between language and image: the way words are written and images grasped or received, which quite simply are the result of ‘’making art’’. It is a matter of testing the adequacy of the photographic image and the written text. In a form that retains the contextual contribution of the gallery and museum as a latent discourse, it takes up their procedures in its presentation —the etiquette of looking, the distance kept, and the norm of framing¿ in order to ply a game with language. This opposition in Femmes du sud raises the question of representation of women in art history: the Venus, the Mona Lisa, and the Victory, like three graces in a retable, are confronted by the archetypes of power and force that cultural institutions represent, and that the manufactured products of popular culture convey, in this case the fashion of clothes ( Nike probably comes from Nikeos which signifies victory). The text is occasionally broken down to one word, reduced to its ultimate denominator : the letter, unheeded, returned, a misprint resulting from neglect and doomed to aggravate for ever since its vacillating status scan only be re-established by errata. The word controlled by the infamy of the typeset is isolated in its potential production of meaning. It is found in no dictionary, nothing exists to list it, it is unpublished. Instants ratés (a kind of photographic story shown recently at Circa), lets the word, in another way, inscribe itself on the film of the negative by cursory personal notes where the condition of creating in the margins is made, a story parallel to the propose narrative. In counterpoint, the relief of Braille writing, originally perforated on the negative itself, closes in on itself and sees itself crushed by its photographic representation. It shows the intangible and the illegible while it stays visible to our eyes.
Lucie Duval proposes La Coquille for us here. There is in this photograph a persistent hesitation where the feet of a black man, seen from behind, are represented in disequilibrium. On one of his heels is an adhesive tape. An indication of frailty, but also a sociographic sign of want, this band-aid constitutes by its colour of white flesh-tone an additional marking of the wound. This trace is intensified by the MAINTENIR word inscribed on the transparent surface covering the photograph which makes a projected shadow. It expresses itself as an irritation, tedious even, like the image of a typographic misprint. Like a social deficiency, this mark presents itself a blank, a gap in the discourse of progress in our societies : only just recently have cosmetics existed for racial types other than westerners and whites. The commentary that permeates Duval’s intention is not presented as correct discourse in her representations, it emphasizes rather the omissions, errors and discursive wanderings of the times, and it proposes images of people who disturb and surprise our perception subjecting to criticism images that we are self evident.